N° 236 - septembre 1998
ISSN : 1141-7137
On mesure encore mal l'importance que revêt la mise au jour des manuscrits de Nag Hammadi. C'est tout l'intérêt de ce Dossier d'Archéologie que d'en montrer, sous la plume des meilleurs spécialistes du sujet, toute l'ampleur. Survenue en 1945 en Haute Egypte, cette découverte de treize volumes, appelés codices, renfermant quelque cinquante-six traités coptes, pour la plupart gnostiques, est avec celle des manuscrits de la mer Morte en 1947, l'une des plus grandes découvertes du XXe siècle en matière de texte ancien.
La question traditionnelle que s'est posée le gnostique sur son origine, sa destinée et les raisons de sa présence ici-bas, sa condamnation sans réserve du monde et de ses lois, de l'humanité même, ont donné de lui le portrait d'un homme angoissé que le déracinement et le sentiment d'aliénation caractérisent. Les notices des Pères de l'Eglise sur les sectes gnostiques corroborées aujourd'hui par les traités de Nag Hammadi, permettent de reconstituer une anthropologie gnostique marquée par un individualisme pessimiste. Le gnostique cherche son salut en lui-même puisque la société dans laquelle il vit y compris les différentes religions traditionnelles, n'y pourvoient pas. Tous les aspects de l'anthropologie gnostique ont été minutieusement analysés par H.-C. Puech qui qualifie la démarche gnostique d'essentiellement égocentrique. Cette analyse se vérifie aisément au fil de la lecture des textes qui présentent la création du monde et sa dissolution dans des catégories psychologiques. Ainsi l'Evangile de Vérité place à l'orée des temps l'angoisse et la crainte qui, par effet de concentration, donnent naissance à la matière. L'issue salutaire pour l'homme est son affranchissement de la matière qui l'englue et l'aveugle, sous la forme de son corps, des liens familiaux qui l'attachent au monde, des doctrines fallacieuses.
Auteur : Trautmann (C.)
Magazine : Dossiers d'Archéologie n° 236 Page : 42-49