N° 311 - Mars 2006
9,90 €
ISSN : 1141-7137
Tout comme les premiers empereurs romains chrétiens, en particulier Constantin, les rois de France ont voulu se faire inhumer dans une basilique prestigieuse qu'ils avaient particulièrement honorée de leur vivant et où ils souhaitaient reposer. C'est ainsi que Clovis, rompant avec la tradition barbare de sépulture sous tumulus, fit construire au sommet d'une colline qui domine la rive gauche de Lutèce, une basilique dédiée aux Saints-Apôtres qui était vraisemblablement liée à à mausolée funéraire, sans doute de plan centré. Ses successeurs firent de même mais dans d'autres édifices (Sainte-Geneviève, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Denis). Les Carolingiens reprirent cette coutume mais se firent inhumer eux aussi, en différents endroits. Il fallut attendre Saint Louis pour voir se définir une véritable politique funéraire s'agissant des rois, des reines et des enfants de France. Il choisit, pour ce faire, l'abbatiale de Saint-Denis qui devint ainsi le ?cimetière des rois?.
Grands réformateurs du monachisme bénédictin, mais aussi acteurs majeurs de la réforme liturgique romaine, les clunisiens s'appuyèrent largement sur le développement du culte des morts pour asseoir leur puissance sur l'Europe occidentale. Aussi n'y a-t-il rien de surprenant à ce que les ordres nouveaux fondés à la fin du XIe siècle ou au début du XIIe siècle et qui, pour s'affirmer, doivent marquer leur différence avec le monde clunisien, aient eu une attitude beaucoup moins accueillante vis-à-vis des nobles désireux de s'assurer d'une dernière demeure dans un espace privilégié, et d'une communauté régulière pour assurer la perpétuation de leurs souvenirs. Même si nombre de ces communautés n'eurent qu'une extension réduite au-delà de leur abbaye mère et surent faire preuve, le cas échéant, de souplesse, ainsi par exemple de Fontevrault, il est un ordre dont l'essor fut aussi important que l'intransigeance affichée en la matière, Cîteaux. La place qu'y tenait Bernard de Clairvaux, théologien aussi brillant polémiste que farouche partisan d'une religion sans concession, ne fit, dans un premier temps, que renforcer cette hostilité à l'accueil de sépultures privilégiées.
Auteur : Dectot (X.)
Magazine : Dossiers d'Archéologie n° 311 Page : 38-41